mercredi 9 novembre 2011

brève rencontre

A
lors que d’ordinaire je ne suis pas de ceux que la perspective d’une journée aux longues heures immobiles effraie ; vous savez ce genre de journée pendant laquelle on se traine du fond du canapé vers la porte du frigo et retour ; ce jour là fut différent. J’ai toujours pensé que boire un café seul est la chose la plus déprimante qui soit.

Donc, par un après-midi long comme un trottoir de boulevard un jour de pluie, tenaillé par une envie de caféine, après maintes tergiversations (j’y vais, j’y vais pas) (je vous souhaite de ne pas avoir de plus grave décision à prendre...), je me décide tout de même à sortir de ma caverne pour aller pousser la porte de mon bistrot préféré. Enfiler avec délices ce vieux Levis (vous avez sans doute le même, celui que vous avez tant porté qu’il est comme une seconde peau), un pull et voilà que de l’aspect « ours » je passe au statut de presque fréquentable.

Cinq minutes de voiture. Me voici à la porte de mon bistrot.

Il ne paye pas de mine mon bistrot préféré avec sa façade défraichie, mais je l’aime comme il est. Je m’y sens bien, c’est un peu ma seconde maison, un passage obligé avant le boulot, mon refuge quand les heures de solitude sont trop lourdes à porter. Avec son zinc ; un vrai de vrai , poli par les coudes des clients depuis tant d’années et ses pompes à bière si brillantes d’avoir été astiquées par la patronne ; c’est un bistrot de campagne, c’est un peu l’autre place du village.

Ne croyez pas surtout que c’est pour moi un lieu d’ivresse, ou alors peut-être d’une ivresse différente.

Non, c’est surtout un lieu de rencontres, de celles que l’on ne fait qu’en ces lieux.

Faut que je vous dise que dans mon bistrot tout le monde se serre la main. Habitués, inconnus ; je ne sais comment c’est venu mais c’est comme ça. Vous me direz que c’est un geste social normal, que c’est très courant, je ne vais pas vous faire ; je n’en suis pas capable ; un cours de sociologie relatif aux pratiques dans les bistrots de la France rurale.

Ceci posé, j’entre dans mon bistrot, je salue les copains, la patronne et au bout du comptoir une inconnue.

Vous dire que c’est la plus belle jeune femme que j’ai jamais croisé serait mentir. Non, juste une jeune femme, ni plus ni moins belle qu’une autre.

Je m’installe comme à mon habitude près de la machine à café, un petit coin d’où je peux voir les gens entrer et sortir. MON petit coin, même que certains qui me connaissent me cèdent volontiers la place. Sont trop gentils avec moi mes potes de bistrot.

Je n’ai pas fait plus attention que ça à la fille à l’autre bout du comptoir, nous avons échangé quelques regards, quelques brèves paroles noyées dans le reste des conversations.

Elle a fini par régler ses consommations, s’est levée du tabouret sur lequel elle était perchée, nous a souhaité un bon après-midi et est partie.

C’est plus tard, longtemps plus tard que j’ai repensé à cette jeune femme du bout du comptoir. Ou plutôt, c’est à la façon dont elle m’a serré la main que j’ai repensé. Je n’y avais pas pris garde sur le coup.

Sa main était chaude, douce. Ce qui continue de m’intriguer je l’avoue, c’est ce frémissement que j’ai senti lorsque nos mains se sont touchées. Pourquoi ce tremblement, pourquoi cette poignée de main a-t-elle été aussi longue et appuyée ?

Il y a long depuis cette brève rencontre, je reste avec mes questions.

Je ne l’ai jamais revue.

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